Au fil du temps
Avant de vous livrer cette histoire au fil de l’eau, quoi de mieux que les vers de Jean-Louis METRAL (aïeul de la Famille Corcelle de Thoiry) pour nous parler de cette source bienfaisante. Lire son poème.
1872
Le bâtiment est reconstruit sur les ruines de l’ancienne scierie dépendant du château féodal d’Allemogne qui a appartenu, depuis le moyen âge, respectivement aux familles de LIVRON et CONZIER. La rivière éponyme prend sa source à la Fontaine, quelques centaines de mètres en amont, et s’enrichit en rive droite, des sources de la Papeterie puis de la Batiolette. A l’origine, c’est une roue à aubes qui entraînait les différentes machineries.
Cette roue était mue par l’eau de deux autres sources d’un débit assez important (110 litres/seconde). Les pierres à encoches dans lesquelles venaient s’emboîter les planches de réglage du débit du canal d’amenée sont encore visibles, mais malheureusement, les documents et récits nous manquent afin de décrire plus précisément sa construction.
Cette eau, d’une incroyable pureté, n’est cependant pas liée au réseau hydraulique de toutes les autres sources qui constituent la rivière « L’ Allemogne », et de mémoire d’homme, elles n’ont jamais tari et présenterai bien d’autres vertus !!!!
En aurait-t-il été autrement de ces activités si le thermalisme avait préféré Thoiry à Divonne-Les-Bains ? Lire cet article de l’historien Alain Mélo. Qu’en serait-il, si à la fin du XIXème siècle, Genève venait puiser son eau parmi les sources de l’Allemogne ? Lire cet article (Février 2019) du journaliste Gérard Dous (Extrait du rapport « Eau de source de Thoiry pour l’alimentation de la ville de Genève » – 1883)
1883
La scierie, détruite par un incendie, fût immédiatement reconstruite. Une partie des bâtiments, celle qui abrite la manchote, n’a pas subi de transformation importante depuis cette date, et malgré l’usure du temps et beaucoup de « rustines », la charpente est toujours d’époque.
1900
L’ingénieur des Ponts et Chaussées du département de l’Ain autorise François Rosset à construire un barrage sur l’Allemogne afin de faire fonctionner un broyeur à fruits (lire le document)
1906
La roue fait place à une turbine Neyret-Brenier de 30 cv, qui sera ensuite équipée d’un régulateur automatique de vitesse en 1909 (régulateur de Watt). La turbine entraîne toujours la scie, mais aussi, plus tard, un moulin situé à une cinquantaine de mètres en amont. Ce moulin à farine est la propriété de la Coopérative des Blés du Pays de Gex et Adrien Rosset en est l’administrateur technique. L’énergie était d’abord transmise par un long arbre de transmission muni de poulies, et à ce jour seuls les piliers en béton qui supportaient les paliers subsistent en bordure de l’étang. Puis le dispositif sera emplacé par un câble qui reliait les deux bâtiments, tel un téléphérique, mais l’installation s’effondrera quelques années plus tard sous l’effet des contraintes de dilatation. Les activités du Moulin ont cessé en début de la Seconde guerre mondiale après avoir été incendié. Quant aux machines de meunerie, aplatisseur d’avoine, décortiqueuse et broyeur, elles seront relogées à la scierie.
1922
Ce document atteste des accords sur le droit d’eau, signés entre Eugène Cartan (propriétaire) et Adrien Rosset (industriel) afin que la scierie puisse continuer à exploiter les sources de la Batiolette et de la Papeterie, dès sa date de reconstruction, avec pour condition de restituer cette eau au canal de la diamanterie.
C’est aussi à cette époque qu’une seconde turbine d’une puissance de 8 cv est installée, et que le deuxième étang est creusé afin d’augmenter la capacité du réservoir.
~1930
Adrien Rosset étend le bâtiment avec une halle perpendiculaire qui sert à la fabrication de caisses d’emballage destinées aux primeurs du sud de la France. Un atelier de menuiserie viendra ensuite se greffer dans cet endroit, disposant lui-aussi de l’énergie de la turbine.
1940
Le pays de Gex est en zone interdite et la kommandantur de Gex est dirigée par le redoutable Klaus Barbie. En février, le moulin de la coopérative des blés brûle, il faudra une semaine pour circoncire l’incendie. La scierie est réquisitionnée et quatre soldats allemands y travaillent à la fabrication de tabourets. Ils logent alors dans la maison familiale.
Très vite la bielle de la manchote est habilement sabotée et la scie restera silencieuse jusqu’à la libération.
Après guerre
La scie reprend du service, Louis Rosset l’utilise pour débiter l’ensemble de la charpente nécessaire à la reconstruction de sa maison sur l’ancien moulin, qui hébergera aussi son atelier de mécanique.
1950
L’activité de sciage tombe dans un long sommeil. Au fil des années, la manchote et son chariot disparaissent petit à petit sous les amoncellements de ferraille.
2006 à nos jours
Le centenaire de la turbine approche, et pour l’occasion, une grande campagne de remise en ordre est amorcée. Elle commence par l’évacuation de matériaux divers, dont 40 tonnes de ferrailles bonnes pour la fonderie et des dizaines de mètres cubes de bois consumés par le temps. S’en suit une longue période de réhabilitation de la scie manchotte par Denis Rosset afin de restaurer tous les rouages et mouvements de cette mécanique. En 2006 la scie manchotte coupera ses premières planches après 56 ans d’inactivité.
Depuis les « interventions » se poursuivent. Avec plus de 600 mètres carrés de toiture, trois niveaux dans la scierie d’origine, et la surcharge engendrée par cet amoncellement d’acier, il est certain que la charpente et les planchers ont eux aussi bien souffert. A petits coups de vérin, le bâtiment se laisse redresser et renforcer. A petits coups de rénovations, le toit et sa couverture sont maintenus en vie au fil du temps …